Mathis Rochat : ” Je me suis fait des souvenirs incroyables “

29 septembre 2023  //  
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Mathis Rochat a réussi d’exceptionnels Championnats du monde juniors en Lituanie, du 12 au 17 septembre dernier. Le pensionnaire de l’INSEP a remporté trois titres mondiaux : l’épreuve individuelle, le relais masculin avec Émilien Maire et le classement par équipes avec Léo Bories et Émilien Maire. Avec ses performances, mais pas seulement, l’Équipe de France a brillé avec cinq médailles au total. La FFPM s’est entretenue avec ce jeune homme passionné par son sport et d’une grande humilité.

Il y a un peu plus d’une semaine, tu remportais trois titres de champion du monde U22. Quelles impressions dominent lorsque tu repenses à cette semaine en Lituanie ?

Je me suis fait des souvenirs incroyables. Dans le sport, on a plein de compétition, on remporte des médailles, mais avant tout, on se crée des souvenirs pour toujours. Des souvenirs avec tous mes amis avec qui on a fait des stages pendant deux mois. Je suis super content d’avoir vécu ces moments au moins une fois dans ma vie et être champion du monde, j’espère avoir la chance de pouvoir le devenir à nouveau.

Mais là, j’ai repris le cours normal de la vie, je vais en cours, je retournerai m’entraîner la semaine prochaine. Il faut passer à autre chose maintenant, c’était cool de gagner mais il ne faut pas rester là-dessus toute ma vie.

 

Tu ne coupes que deux semaines après une longue préparation et les Mondiaux. Est-ce que c’est difficile mentalement et physiquement ?

 

C’est mon métier donc c’est normal que je ne prenne pas deux mois de vacances (rires). Après les entraînements vont reprendre doucement car c’est le début de saison. Les premières semaines vont être un peu allégées. Deux semaines de coupure c’est beaucoup. J’ai hâte de retrouver les entraîneurs et les athlètes et de reprendre au plus vite. J’ai stoppé depuis une semaine et j’ai déjà envie de retrouver l’entraînement.

 

Avant ces Mondiaux, est-ce que tu t’étais fixé un objectif ?

 

Je ne suis pas arrivé sur ces Mondiaux avec en tête d’absolument gagner. J’avais plus à l’esprit d’effectuer le meilleur pentathlon possible en étant plus concentré sur chaque épreuve plutôt qu’en visant une place. Seulement après, on voit le résultat et là j’ai obtenu un bon classement. L’idée était de retranscrire en compétition ce que je fais à l’entraînement.

 

Ces Mondiaux ont débuté parfaitement avec la médaille d’or du relais masculin avec Émilien. Les coachs que j’ai eus en interview ont qualifié l’escrime de très correcte (8e avec 18 victoires et 17 défaites) et puis vous avez été excellents dans les trois autres épreuves. Décris-nous cette journée avec Émilien, votre entente et vos sensations.

 

Émilien est un très bon ami donc faire un relais avec lui, c’est surtout du plaisir et du fun. On partait vraiment dans l’optique d’obtenir une médaille parce que sur le papier, on n’était pas un mauvais relais. Avec Émilien, on rigole et on s’amuse souvent donc on était dans un esprit relâché. On a bien enchaîné entre le parcours d’obstacles, la natation et le Laser Run.

Sur l’escrime, tu as dit que c’était un peu plus compliqué. En fait, c’est moi qui ai mal commencé puisque j’ai perdu mes cinq premiers combats. J’ai très mal débuté, mais comme Émilien a très bien commencé, cela a compensé. Je me raccrochais un peu à lui, je regardais comment il faisait sur la piste, je voyais qu’il mettait un maximum d’engagement, son investissement m’a aidé à sortir de cet état léthargique du début de l’escrime. C’est vraiment en le voyant faire que j’ai pensé : « Ok, allez c’est parti, je vais m’exprimer comme je sais le faire ». Pour conclure cette épreuve, on a réussi à être à l’équilibre ce qui est correct.

 

Après l’escrime, vous avez effectué un enchaînement de grande qualité avec les meilleurs temps du parcours d’obstacles et de la natation, la deuxième performance du Laser Run. Vous étiez tous les deux parfaitement préparé avec des bonnes sensations.

 

On savait qu’il y avait un gros coup à jouer sur le parcours parce qu’il y a peu d’entraînements pour cette épreuve dans tous les pays. Et nous, on a la chance d’avoir rencontré un super entraîneur Laurent Puigsegur à Perpignan. On s’est peu entraîné avec lui, mais c’était hyper qualitatif. On est arrivé sur le parcours avec Émilien et on avait des repères grâce à Laurent qui nous avait appris à compter nos pas, à savoir sur quel pied on atterrissait. Ce sont des détails qui font que sur les transitions entre les obstacles on est plus rapide que les autres sans prendre trop de risques.

 

Est-ce que vous avez eu un peu de temps pour profiter de ce titre parce que les épreuves individuelles commençaient le lendemain pour les filles et deux jours après pour vous ?

C’est toujours bien d’avoir une médaille en relais, mais c’est plus du bonus donc on n’a pas fêté comme si c’était une médaille individuelle. On était très content, mais dès le lendemain les filles débutaient leurs épreuves individuelles. On s’est remis rapidement en position de compétiteur. C’est important pendant la journée de repos de faire de la récupération. On utilisait notamment le pistolet de massage. On a bien récupéré, on s’est bien concentré à nouveau parce qu’après en individuel on a aussi réussi à réaliser de bonnes performances.

 

Est-ce que ce titre t’a aidé mentalement pour la suite ?

 

Oui, ce n’est pas le titre en lui-même qui donne confiance, ce sont nos performances individuelles avec Émilien. On a nagé vite, on a bien couru, on a bien tiré et on a fait un bon parcours. Cet ensemble montre qu’on est en forme et qu’on est à notre meilleur niveau. Cela met en confiance pour l’épreuve individuelle d’avoir réalisé ces épreuves en relais avec ce niveau.

 

Les qualifications se passent très bien pour toi et pour toute l’équipe. Puis la finale commence, tu es 14e ex aequo après le Ranking Round d’escrime effectué la veille, tu es à 40 points du Britannique Hulme leader et à 22 unités de l’Ukrainien Chekan 3e. J’imagine que tu n’es pas du genre à te prendre la tête pour des points de retard alors que l’essentiel reste à venir. Comment abordes-tu cette journée décisive?

 

C’est quelque chose que j’arrive assez bien à faire. Peu importe le résultat d’une épreuve, je suis directement concentré à 100 % sur celle qui va venir. J’arrive sur le parcours d’obstacles, et je ne sais pas pourquoi je le sentais bien, j’avais déjà réussi les parcours du relais et des qualifications. J’ai réussi un super temps en moins de 30 secondes (29’’09 soit la 4e meilleure performance), on n’est pas nombreux à réussir un tel chrono. C’est vraiment après cette épreuve que je me suis rendu compte que je pouvais gagner. Il restait la natation et le Laser Run qui sont deux épreuves où dans les compétitions internationales en juniors, j’ai l’un des meilleurs Triathle (natation + Laser Run). Après le parcours lorsque j’étais propulsé aux avant-postes, j’ai commencé à réaliser qu’il y avait un coup important à jouer et j’ai saisi ma chance.

 

Après, il y a la natation qui se passe très bien où tu réalises 1’57 sur 200 m. Tu vas pouvoir rebondir sur une anecdote racontée par Simon Casse (voir l’interview des entraîneurs mise sur le site de la FFPM). Tu sors de la piscine et tu échanges avec le coach en lui disant que tu peux gagner. Il sent que tu es paniqué pendant quelques secondes et il arrive à trouver quelques mots simples et efficaces pour te redonner confiance. Peux-tu s’il te plaît nous raconter ce moment ?

 

Avant le départ du Laser Run où on est tous en ligne, le pentathlon c’est surtout des points et tu ne réalises pas vraiment ton classement par rapport aux autres. C’est que sur la ligne de départ que tu te mets à penser : ‘’ Lui, il part trois secondes devant. Lui, sept secondes avant moi “.

Jusqu’à là, je n’avais pas complètement conscience de cette position et des écarts. Comme je te disais, après le parcours, j’ai commencé un peu à réaliser que j’avais la capacité de gagner. En finissant la natation lorsque j’ai vu sur la feuille que j’étais 3e à neuf secondes de la tête, je savais qu’en Laser Run cet écart ne représente quasiment rien et que les deux gars devant moi étaient un peu moins forts dans cette dernière épreuve. J’ai réfléchi au fait qu’il ne fallait pas que je regarde les concurrents derrière et qu’il fallait que je fonce tout droit. Lorsque j’ai vraiment réalisé cela, je me suis dit que j’avais une chance énorme de gagner les Championnats du monde. Je suis allé voir Simon :Mais Simon, je crois que je peux gagner ! “. C’est tellement quelque chose de bizarre de se dire que tu vas gagner les championnats du monde, il y a plein d’émotions qui se sont mélangées. J’ai pensé qu’il allait m’arriver quelque chose de négatif, par exemple que j’allais mal tirer et que je n’allais pas devenir champion du monde, ce n’était pas possible. J’ai raconté à Simon que j’étais très stressé et je lui ai demandé : ‘’ Qu’est-ce que je dois faire ? “.

À ce moment-là, il a trouvé les mots simples et très justes. Il a été réconfortant : ” Ne t’inquiète pas Mathis, les Laser Run tu les as tous gagné cette année. Alors imagine-toi à Perpignan, imagine-toi aux Championnats de France, tu vas courir tout simplement comme tu sais le faire et ça va être bon. ” Il n’y avait pas besoin de plus. Après ces mots, j’ai enlevé mes pensées négatives et j’ai tout de suite imaginé que j’allais gagner. J’étais à nouveau dans le moment présent et je me suis dit : « Je dois courir 5×600 m et si je le fais correctement ça passe. » Je pense que si Simon ne m’avait pas rappelé à l’ordre avec ses mots efficaces, j’aurais pu arriver beaucoup plus agité au tir ou ne pas bien gérer mon allure en course. Ce moment pour moi était très précieux.

 

Tu vas nous parler s’il te plaît du Laser Run où c’est surtout au mental que tu as fait la différence car tu as mieux tiré que tes concurrents directs.

 

C’est bizarre parce que normalement je ne suis pas le meilleur tireur mais j’arrive pour le premier tir, la course était serrée parmi les six premiers, avec mes concurrents on est ensemble sur le stand de tir. Tout le monde y reste assez longtemps alors que je réussis un 5/6 en 9 secondes et directement je pars avec déjà 10 secondes d’avance sur le deuxième. À partir de là j’ai effectué tous mes tirs tout seul ce qui est beaucoup plus facile que de l’effectuer lorsqu’on est cinq au même moment. Valider ce premier tir, loin devant tout le monde, m’a permis d’arriver beaucoup plus sereinement sur les autres. Je pense que le Laser Run ne s’est pas forcément gagné sur la course mais sur le premier tir.

 

À ton arrivée, j’imagine que c’est l’explosion de joie pour toi et tout le groupe. Louison avait pris une médaille de bronze plus tôt dans la journée. Puis peu de temps après la ligne d’arrivée franchie, tu apprends que vous êtes champions du monde par équipes avec Léo et Émilien.

 

Lorsque je passe la ligne, je vois ensuite Léo finir 3e, Émilien prendre la 7e place malgré ses douleurs et alors qu’il s’est moins entrainé que nous cette année parce qu’il s’est beaucoup blessé. Je commence à réaliser et je me dis que les Français on a fait quelque chose de très fort. Entendre la Marseillaise sur le podium, devant tout le monde, c’est trop bien. L’or par équipes, je trouve que c’est encore mieux car cela reflète le niveau global du pays en juniors et on a fait champion d’Europe et champion du monde. Tous les athlètes étrangers pour les années à venir savent qu’il y a une équipe de France pas mal. J’ai pensé à tout ça et c’était génial, ce n’était que du bonheur, ce n’était que du kiff.

 

Est-ce que vous avez fêté ces résultats entre athlètes ?

 

On a fêté ces Championnats du Monde le soir de la dernière épreuve. On a fait une soirée avec tous les athlètes de la compétition. Le pentathlon comme c’est un petit sport, on se connaît tous car on se retrouve sur les compétitions chaque année. C’est un vrai plaisir de se faire des vrais amis de toutes les nationalités.  On est vraiment content de retrouver les Égyptiens, les Allemands et les Anglais, ce sont devenus nos potes. Tout le monde était heureux pour moi, certains me prenaient dans leurs bras, avec d’autres on faisait des «checks », c’était vraiment sympa.

 

 

Crédit photo : UIPM/ Aistė Ridikaitė