Mathis Rochat : “J’ai accepté la douleur avec joie car c’est aussi ce que j’avais préparé”

17 janvier 2025  //  
Athlètes  //  

  Mathis Rochat à l’arrivée du Laser Run des derniers Championnats de France.

 

Mathis Rochat s’est adjugé son premier titre national Senior le 1er décembre dernier à Perpignan.
Le triple champion du monde junior 2023 (individuel, relais, par équipe) a confirmé qu’il faudra compter avec lui dans ce pentathlon en pleine évolution avec le changement de discipline. La FFPM a pu s’entretenir avec le pensionnaire de l’INSEP peu de temps avant les fêtes. Ces Championnats de France 2024 étaient un objectif mais il ne veut pas s’arrêter là.
Vous allez lire ci-dessous une interview avec un jeune pentathlète passionné par son sport.

 

Mathis tu es devenu champion de France Senior pour la première fois. Que représente ce titre pour toi ?

Mathis Rochat – Quand j’ai repris la saison le 1er octobre, j’avais directement l’objectif d’être champion de France en tête.
Parce que pour moi, c’était le début d’une nouvelle période de ma carrière sportive où j’allais vraiment basculer dans le très haut niveau, notamment partir en Coupe du monde.
J’avais envie de marquer le coup et de montrer à tout le monde que j’étais digne de pouvoir accéder à ce très haut niveau dans mon sport et cela commençait par remporter le titre de champion de France.

Tu as dit que c’était un objectif majeur, est-ce que tu t’es préparé en conséquence ?

M.R – Lors de la reprise de l’entraînement, on avait peu d’intensité, mais beaucoup de volume. Je ne me suis pas préparé spécialement au niveau physique pour cette compétition, en revanche, j’ai beaucoup travaillé sur ces Championnats de France mentalement comme si c’était la compétition la plus importante de la saison.

Est-ce que tu as eu des bonnes sensations tout au long de la compétition ?

M.R – Physiquement, je savais que ça allait être dur, mais quand tu te prépares et que tu es à 100 % dans la compétition, tu es moins limité physiquement. Je me suis engagé dans ces France à fond et j’ai vu que les autres n’étaient pas aussi investis que moi. Je me disais du coup qu’à niveau d’entraînement égal, je serais plus fort qu’eux.

Ma motivation de gagner ces Championnats de France et mon mental ont fait que j’ai su valider les épreuves les unes après les autres, être moins dans le dur que certains. Comme j’étais mieux préparé dans la tête, j’ai moins souffert qu’un participant qui arrive ” en touriste ” en compétition.

Sur le parcours, on s’entraîne peu, j’ai eu un peu de mal, je n’ai pas réussi ce que je voulais faire dans cette épreuve.
L’escrime a duré presque trois heures comme cela faisait longtemps que l’on n’avait pas fourni un effort aussi important, j’avais quelques douleurs, mais après ces deux épreuves je me suis rendu compte que j’étais bien classé.

Ensuite en natation et en course, j’avais des excellentes sensations (1’56’’30 sur le 200 mètres Nage Libre et 9’58’’87 au combiné). Comme je te l’ai dit, j’avais préparé cette compétition mentalement, j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à la faire, j’acceptais la douleur avec joie car c’est aussi ce que j’avais préparé, je m’attendais à souffrir.

Tu étais premier après la première journée, étais-tu pleinement satisfait ?

M.R – Après, au pentathlon il y a un petit côté frustrant où on a toujours l’impression que l’on peut faire mieux. C’est-à-dire au parcours, on peut se dire : “Mince, j’ai commis cette erreur que j’avais travaillée à l’entraînement, je n’aurais pas dû la faire“.
En escrime, on a le même raisonnement. Mais malgré ces petites frustrations se retrouver leader du classement est le plus important car les autres à côté n’ont pas été parfaits. Terminer une journée en étant en tête alors qu’il ne reste plus que le Laser Run le lendemain, cela met une petite pression mais cela soulage aussi parce que l’on sait que l’on peut vraiment jouer la gagne. Alors que lorsqu’on part à 20 ou 30 secondes du premier, on est aussi un peu dépendant de ce que vont faire les autres, devant on est vraiment acteur à 100 % de sa performance.

Est-ce que l’attente n’a pas été trop longue puisque les séries de natation se sont terminées en début de soirée et le Laser Run l’épreuve finale se déroulait le lendemain matin à 11 h ?

M.R – Oui, car forcément dans ma situation, c’était mon objectif de ce début de saison. Le soir avant de me coucher, j’y pensais. La veille des compétitions, je ne peux pas m’empêcher de mentaliser tout ce qui va se passer. Je visualise à chaque fois les pires et les meilleurs scénarios donc j’ai du mal à dormir. Le temps passe assez lentement. Et puis c’est pareil le matin au réveil, j’ai ce stress de penser en permanence à plein de choses. Est-ce que je vais avoir une bonne montée régulière au stand de tir ? Est-ce qu’en course je ne vais pas être fatigué ? Ce sont quelques heures pour le public, mais pour certains athlètes le temps passe comme quelques jours.

Comment as-tu préparé ce Laser Run ?

M.R – 11 h c’est vraiment idéal pour un Laser Run, parce qu’en semaine à l’INSEP on a tendance à se lever aux alentours de 8 h 30 et pour un combiné deux heures et demie plus tard c’est largement suffisant. J’arrive à avoir une nuit complète de sommeil. Mon petit-déjeuner, j’essaye de ne pas le prendre trop lourd, de ne pas prendre de jus d’orange ni de lait car ils peuvent me faire mal à l’estomac, je reste sur un petit déjeunera léger quitte à remanger avant le Laser Run par exemple une compote pour reprendre des forces. Avant l’échauffement de course, je suis déjà avec mon pistolet, je prends déjà contact avec lui, je m’échauffe le bras, je m’échauffe le doigt. Pour la course, comme on est très courbaturé de la veille, j’aime bien me faire une course vraiment facile, légère… Ne pas courir 20 minutes, 10-15 minutes me suffisent avec des gammes, des petites accélérations pour me dynamiser mais je n’ai pas besoin de plus.

Nous arrivons à ce combiné. Tu pars 2e de l’Open et 1er Français avec seulement 6 secondes sur Léo Bories et 14 sur Valentin Belaud.  À l’arrivée, tu remportes l’Open avec 9 secondes d’avance sur Pau Salomo (Espagne) et tu deviens champion de France avec un écart de 16 secondes sur Léo Bories. Comment as-tu vécu ce Laser Run très serré ?

M.R – Le combiné était vraiment génial. Quand j’ai regardé la feuille de départ, je savais que j’étais entouré de bons coureurs.
J’ai directement pris le commandement de la course après le premier 600 m, parce que l’Allemand (Moriz Klinkert) qui partait devant moi, je savais qu’il courait un peu moins vite et à partir de là je suis tout le temps resté premier. Je voyais sur le demi-tour du parcours, à chaque 600 m les écarts qui se créaient entre les athlètes ou entre le 2e et moi. Je savais que les gens qui étaient autour de moi courraient à peu près à la même vitesse que moi donc c’était surtout au stand de tir que la victoire se jouait.
Il fallait qu’au moment du tir je sois vraiment au-dessus mentalement et avoir un rythme impeccable. C’est dans ce domaine que j’ai fait la différence par rapport à Léo qui était juste derrière moi, j’ai dû tirer 10 secondes plus rapidement que lui.

As-tu eu le temps de célébrer ensuite ?

M.R – Oui bien sûr ! Pour mes parents que je remporte un Laser Run départemental ou que je sois champion du monde ils sont extrêmement contents pour moi donc là forcément quand j’ai été champion de France ils étaient fiers de ma performance.
Dès que je suis rentré, ils ont ouvert une bouteille de champagne, ils ont invité mon oncle et ma tante, j’étais entouré de ma famille et c’était super agréable de se sentir soutenu dans ma réussite par mes proches.

J’aimerais ajouter que dans mon club il y a un nouvel entraîneur (Olivier Patrouix-Gracia), c’est lui qui nous a accompagné sur les France et franchement, il a su créer un esprit d’équipe. Je nous ai senti soudés, on était une équipe avec Florent (Schoen), Melvin (Perrier), Karl (Furderer), Jean-Baptiste (Mourcia). Il y a même Valentin Prades qui est venu pour nous soutenir alors qu’il ne participait pas à la compétition, on a eu une très bonne ambiance. Je pense que cet esprit d’équipe a été aussi un moteur de ma performance car je me suis bien senti bien entouré. J’ai eu Jean-Marc (Bartoli, le directeur sportif du RMA) au téléphone avant ma course, il a su trouver les mots justes pour me donner du courage et de la force.

On va parler désormais du parcours d’obstacles qui était la grande nouveauté de ces Championnats de France Senior. Comment abordais-tu cette épreuve que tu connaissais déjà dans les compétitions internationales de jeunes ?

M.R – En compétition on peut avoir tendance à regarder ce que font les autres, à quel stade où en sont les autres, se demander s’ils sont forts sur le parcours, j’ai essayé lors de ces Championnats de France de ne pas le faire, j’ai tenté de rester concentré sur mes propres performances et j’ai réussi.

J’ai quand même la chance de m’être entraîné même si c’est seulement par période, par bribes, j’ai pu également goûter au parcours en compétition. Avec les autres pensionnaires de l’INSEP, on allait une ou deux fois par semaine au RMA (Le Racing Multi Athlon est un club de pentathlon situé dans le 15e arrondissement de Paris). Même si les conditions étaient difficiles parce qu’on a une heure de trajet aller, une heure de trajet retour et surtout le parcours est situé en extérieur, on est un peu sujet aux aléas climatiques mais ces séances nous ont permis de garder contact avec la pratique, maintenant on va pouvoir peaufiner nos techniques avant les premières Coupes du monde.

Je sais qu’à mon niveau actuel, je peux valider un parcours très sûr, c’est-à-dire sans tomber avec un temps correct, je savais que je n’allais pas être le meilleur mais que je n’allais pas être le moins bon. Je me suis concentré sur ma performance à moi pour ne pas me mettre du doute en pensant aux performances des autres. Je suis satisfait, je n’ai pas pris trop de risques, je suis dans le Top 10 et dans la moyenne haute de la compétition donc la performance est correcte mais c’est sûr qu’il y a encore beaucoup de boulot et que je peux largement améliorer ce chrono.

 

Est-ce que tu apprécies cette nouvelle discipline ?

M.R – J’aime beaucoup. À Perpignan, c’était une ligne simple, les lignes doubles ajoutent encore plus de spectacle à la discipline (les participants s’élancent normalement par série de deux) avec ce côté challenge, je trouve que c’est top. L’épreuve n’est pas totalement illogique avec la pratique militaire à l’origine de notre sport. Dans le sens que l’on doit savoir se déplacer dans tous les milieux le plus rapidement possible. Je trouve qu’effectuer un parcours comme celui que l’on fait dans l’esprit du parcours du combattant, cela s’inscrit encore dans la logique que voulait le Baron Pierre de Coubertin de créer un soldat parfait.

À l’INSEP, vous allez avoir un parcours d’obstacles. J’imagine que tu as hâte de pouvoir t’entraîner dessus.

M.R – Oui surtout qu’à Perpignan il n’y avait pas les obstacles que l’on aura en Coupe du monde et là à l’INSEP, on pourra s’entraîner sur ce type d’obstacles qui seront dans les compétitions internationales.
Nous serons en vacances demain mais avant ce repos on va essayer le parcours.

Est-ce que tu vois des aspects techniques que tu peux améliorer dans cette discipline et quels sont-ils ?

M.R – Les transitions entre les obstacles ! Le public ne le voit pas forcément, il regarde plus la réalisation des obstacles, mais en fait ce qui est plus important que la réalisation des obstacles, c’est la transition entre les obstacles parce qu’il faut réussir à conserver sa vitesse à la sortie d’un obstacle et à en recréer encore plus à l’abord d’un nouvel obstacle.
Cette vitesse et cette transition entre les obstacles vont déterminer si justement on peut passer un obstacle vite ou si on va devoir s’arrêter pour réfléchir à quel anneau ou quelle barre on attrape donc les transitions sont primordiales pour performer.

Tu as été champion du monde junior en 2023 champion de France Senior 2024, as-tu progressé et si oui dans quel domaine ?

M.R – Je pense que là où j’ai progressé c’est sur la régularité de mes performances. Lorsque j’étais plus jeune, je pouvais vraiment passer à côté d’une compétition et la suivante réaliser un très bon résultat. Petit à petit, je deviens plus régulier. J’arrive maintenant à chaque compétition à mettre en place le meilleur de ce que je peux faire, et même s’il me reste encore quelques ajustements à effectuer en escrime, au tir, on sait que ma course et ma natation sont très solides même par rapport aux meilleurs mondiaux, je sais que c’est un avantage que je vais garder encore longtemps.

Est-ce qu’il existe d’autres domaines que le tir et la course à améliorer ?

M. R – On peut vraiment progresser dans le sport de haut niveau dans tous les domaines. Au-delà des performances sportives, on peut toujours améliorer son hygiène de vie. J’ai commencé à voir un diététicien en début d’année (2024) et il m’a donné des poudres à mettre dans l’eau pour faire des boissons d’effort, des poudres pour des boissons de récupération. Il m’a parlé de quand je dois prendre mes repas, mes collations. Ce sont ces détails comme le repos et l’hydratation qui font qu’on progresse sans forcément s’entraîner plus dur. Je sais que j’ai encore pas mal d’efforts à faire là-dessus pour vraiment arriver à Mathis prime.

Quels sont tes prochains objectifs ?

M.R – On va partir en Coupe du monde, à l’international je dois montrer que je suis le meilleur Français, je dois être constamment dans les 2-3 premiers tricolores pour que la Fédération puisse à chaque fois me refaire confiance et m’envoyer en compétition. Plus tard dans la saison, j’aimerais vraiment rentrer dans le Top 10 mondial pour affirmer mon niveau à l’international et pour montrer que je vais être un gros morceau à abattre en compétition.

Pour terminer cet entretien, parle nous de la Timeline que je vous invite à suivre sur Instagram, un projet que tu réalises avec Louison Cazaly, on peut y retrouver de très belles photos et des vidéos immersives de vos entraînements.

M.R – Avec Louison, on a voulu un peu se servir de notre amour du sport pour créer du contenu sur notre discipliné le pentathlon et pour que chaque personne qu’on prend en photo ou qu’on filme garde un souvenir d’un événement soit d’un entraînement soit d’une compétition. C’est parti de notre passion pour le sport et de notre envie de créer une activité artistique à côté qui peut nous permettre de nous exprimer autrement que par nos performances.

La FFPM remercie Mathis Rochat d’avoir pris du temps pour cette interview.

Crédit photo : La Timeline/ Louison Cazaly, le compte Instagram de La Timeline est : @la_timeline_